Interdiction des voitures anciennes à Paris ou comment séduire les « bien-pensants »
Quand des mesures doivent être prises pour enrayer un fléau, il est souvent plus simple de taper sur une minorité que de s’en prendre au plus grand nombre. C’est le cas avec les mesures arbitraires prises par la ville de Paris à l’encontre des véhicules anciens.
Dès aujourd’hui, les voitures immatriculées avant le 1er janvier 1997 et les deux roues immatriculés avant le 1er juin 1999 sont priés de ne plus traverser la capitale en semaine de 8h à 20h. Les voitures munies d’une carte grise collection – donc vieilles de 30 ans et plus – sont épargnées pour le moment. Restera alors aux propriétaires de faire la démarche pour passer collection quand ce n’est pas le cas. Les modèles immatriculés entre 1986 et 1997, eux, seront directement touchés par la mesure, sans échappatoire. Ça ne s’arrête pas là puisque l’objectif pour 2020 serait d’interdire tous les véhicules antérieurs à 2011.
Une mesure faussement écolo et anti-pauvres
Plutôt que de se baser sur des mesures de pollution effectuées sur les véhicules – lors du contrôle technique par exemple – plus justes, la ville de Paris a succombé à la facilité en se basant sur l’année du véhicule pour estimer son impact sur l’environnement. Cela revient à interdire toutes les voitures jaunes pour réduire la pollution. C’est totalement arbitraire et ça touchera peu de monde (donc ça gueulera moins) mais on pourra toujours dire que ça fait des bagnoles en moins sur la route ! De toute évidence, il n’était pas question de se fouler. Les vieux véhicules sont facilement identifiables. Les forces de l’ordre ont commencé à dresser les premiers avertissements ce matin, avant verbalisation à compter du 1er octobre prochain.
Pendant ce temps-là, le diesel court toujours. Alors que de nombreuses études confirment chaque jour l’impact direct des particules fines sur la santé publique, la ville de Paris pénalise à la même hauteur les moteurs essence et les moteurs diesel. Faut dire que nos chers politiques nous ont longtemps vendu le diesel comme la huitième merveille du monde. Pénaliser plus fortement leurs très nombreux propriétaires aujourd’hui ne ferait pas le même bruit.
Le problème du critère de l’année, c’est qu’il pénalise aussi les foyers modestes qui ne roulent pas en youngtimer pour leur bon plaisir. Tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un véhicule récent. Le contrôle technique à nos frais est censé certifier que notre véhicule répond aux normes et est autorisé à rouler. Pourquoi une mesure si injuste quand on a les moyens de faire mieux? Je n’y voie que sa facilité d’application à court terme, histoire de contenter rapidement le parisien lambda et ses idées reçues dont la voix pèse dans les élections. Ce parisien un peu écolo mais pas vraiment non plus qui méprise les voitures et est persuadé qu’une ancienne pollue plus que tout le reste. La hausse du prix de l’immobilier parisien a déplacé les classes modestes en banlieue. Cette nouvelle mesure les incitera à y rester.
Bien que sa Peugeot essence de 1997 – bien entretenue – pollue autant qu’une 2004, Monsieur Michu aura jusqu’à octobre pour braquer une banque et s’acheter une nouvelle voiture pour aller au boulot (y a bien un RER mais loin de chez lui et souvent en grève). Un modèle d’après 2011 s’il ne veut pas se retaper une prune dans 4 ans, en 2020. Bienvenue dans l’ère de l’obsolescence programmée par l’Etat où on sera contraints et forcés de changer de voitures autant de fois que les normes évolueront à l’image des décodeurs TNT. En compensation, des réductions seront consenties la première année sur des abonnements Velib, Autolib ou pass Navigo (transports en commun). L’achat d’un vélo pourrait même être intégralement remboursé. Pas sûr que ça contentera ceux qui vivent loin de Paris et d’une ligne de RER. Voyons le bon côté des choses: 2h de vélo matin et soir, c’est toujours bon pour le cardio.
Enfin, les voitures d’avant 1997 ne représenteraient que 1,1% du parc automobile parisien roulant, ce qui vient encore réduire l’efficacité de cette action qui devient tout juste symbolique.
Des voitures plus difficiles à revendre
Vicieuse qu’elle est, cette mesure aura également un impact sur la valeur des véhicules concernés. Allez vendre une Clio 1996 à un parisien ou bientôt, à un lyonnais. A moins de tomber sur un fan du modèle ou un rouleur du dimanche, ce ne sera pas une mince affaire. Beaucoup d’offre. Peu de demande. Vous connaissez la suite. Des professionnels de l’occasion estiment que bon nombre de ces véhicules devraient partir pour l’export, notamment vers l’Afrique.
Je roule jamais à Paris et/ou pas en semaine, je me sens pas concerné
Paris est la ville qui doit « montrer l’exemple » donc d’autres grandes agglomérations ne vont pas tarder à suivre. Et peut être plus tard des agglomérations de taille moyenne. En partant du principe que chaque élu politique revoit le futur à sa manière – dénigrant parfois les actions de son prédécesseur – il y a fort à parier que les restrictions évolueront dans les années à venir. D’une interdiction en semaine, on y ajoutera le samedi puis le dimanche pour n’avoir le droit de circuler qu’entre 22h et 6h du matin. Le passe droit accordé aux cartes grises collection pourra également être revu.
Il faut donc exprimer son désaccord maintenant en manifestant, en occupant l’espace public avec nos voitures anciennes. Laisser passer une telle hérésie sous couvert de sauver la planète revient à laisser nos élus faire tout et n’importe quoi avec nos libertés.