Buick Skylark 1982: un concentré de kitsch
Pris de court par le succès des petites japonaises, la mode est au régime minceur chez GM depuis la fin des années 1970. Les grandes et moyennes berlines perdent centimètres et kilos. Le volume des Buick Skylark se rapproche ainsi des standards européens, sans renoncer toutefois au cachet d’une « vraie » américaine.
Au printemps 1979, General Motors sort l’arme lourde face aux concurrents japonais: la plateforme X à traction avant. Les patriotes à la recherche d’une voiture économique et fiable n’auront plus à pousser honteusement la porte de la concession Toyota. En principe. Reposant sur cette nouveauté, les Buick Skylark, Chevrolet Citation, Oldsmobile Omega et Pontiac Phoenix rencontrent un grand succès auprès du public mais très vite, les choses se gâtent. Une série d’accidents sur les véhicules de l’année modèle 1980 révèle un comportement routier dangereux, les freins arrières ayant la fâcheuse tendance à se bloquer et entraîner la voiture dans une joyeuse valse; sous la pluie, de préférence. Pour éviter un coûteux rappel de l’ensemble de la production (plus d’un million de véhicules !), GM ne reconnaîtra jamais officiellement la défaillance malgré de nombreuses plaintes de consommateurs. Ça et une fiabilité toute aléatoire (transmission et supports de suspension fragiles notamment) auront entaché la réputation de cette génération de compactes.
Une berline américaine à taille européenne
A l’époque, des importateurs européens comme Jean-Charles Automobiles à Paris comprennent le potentiel de ces nouvelles X-Cars sur le vieux continent. Elles distillent le parfum d’Amérique que recherchent les clients franchouillards sans les habituelles contraintes de gabarit et de consommation de carburant. Motorisée au choix avec un 4 cylindres 2,5 Iron Duke (90 ch) ou un V6 2,8l (115 ch), la Buick Skylark 1980 peut transmettre sa puissance aux roues avant grâce à une boite manuelle à 4 rapports (encore un bon point pour l’Europe !) ou automatique à 3 rapports. Le modèle connait un certain succès en France, encore mesurable aujourd’hui à en juger les nombreux modèles vendus neufs en France à l’époque et toujours présents sur le marché de l’occasion. J’ai moi même souvent croisé des modèles 1980-1981 au gré de mes rencards entre passionnés mais je dois l’avouer: je les considérais un peu comme des Chevrolet Caprice – modèle que j’adore – au rabais, pleines de compromis et sans grande personnalité. La lecture de la fiche technique n’avait pas grand chose d’excitant non plus. Puis Andreas m’a proposé d’essayer la sienne; un modèle Limited de 1982 dans un état rare. Je me suis dit que c’était peut être l’occasion de détruire mes aprioris; ou pas.
Les années 1970 ne sont pas loin
En bonne Buick qui se respecte, la Skylark reprend les codes du luxe automobile des années 1970, encore pas si lointaines. Chromes par ci par là, demi-toit vinyle, emblème ornant le capot, peinture bi-ton et enjoliveurs à rayon… Dieu que c’est kitsch ! Hormis le châssis et la mécanique, GM n’a clairement pas voulu déboussoler sa fidèle clientèle. Le changement dans la continuité qu’on appelle ça? En 1982, les clignotants avant ne sont plus aux extrémités mais entre le phare et la nouvelle calandre, histoire de rajeunir un peu le modèle. Cette année modèle est d’ailleurs bien moins courante en France que les 1980-1981 (Jean-Charles Automobiles aurait aussi subi les remontrances des premiers clients?). Tu as toujours bavé sur les berlines américaines mais ton garage est trop petit? La Skylark ’82 est pour toi! Tes yeux ne te trompent pas pour une fois. Cette Buick là est aussi peu élancée qu’elle en a l’air avec ses « petits » 4,60 mètres de long, soit la longueur d’une Renault Laguna. Tu pourras donc répondre à Jean-Luc que tu ne galères pas plus que lui à trouver une place en ville. Vue de derrière, Buick ne s’est pas trop foulé en optant pour un quasi copié collé de la Regal commercialisée depuis 1978. Coté originalité, on repassera mais on l’aimait déjà sur la Regal donc on ne s’en plaindra pas.
Finition Limited, options illimitées
A bord, l’ambiance est géniale ! Le velours bleu domine sur les banquettes et les garnitures, toujours habillées d’une bonne dose de chromes et de faux bois. A la place du conducteur, je m’extasie devant ces cadrans reluisants en guise d’instrumentation et l’emblème Buick posant fièrement au bout du capot. On se sent comme un gagnant de l’Euromillions dans ce ptit bout d’Amérique! Curieux mélange dans cet intérieur qui fleure bon le luxe: un volant typé sport 3 branches en lieu et place du modèle classique à 2 branches. L’autoradio d’origine est toujours présent et fonctionnel; et tant mieux tant il s’intègre bien dans le panneau en bois. L’horloge à affichage numérique a – comme souvent – rendu l’âme à 10h51, heure du crime ! Le toit ouvrant fait entrer un peu de lumière dans cet habitacle assez sombre; une option souvent assez rare sur les berlines américaines, même les versions export comme celle-ci souvent bien dotées.
Un V6 qui n’a pas à rougir
Bien enfoncé dans mon fauteuil à grand mère, je me laisserais bien tenter par une petite sieste mais j’ai tout de même bien envie de voir ce que cette Skylark a dans le ventre. C’est moi ou ce V6 2,8l chante bien ? Au ralenti, on est pas très loin du glouglou mythique d’un V8, à quelques nuances près. Je bascule le levier de vitesse au plancher (placé sur la colonne de direction en série) en position Drive – un deuxième témoin sur le tableau de bord m’indique la vitesse enclenchée au cas où je me gourerais – et j’accélère. Le moteur entonne enfin sa mélodie caractéristique, rauque et assez présente et n’a rien à envier à certains V8 en terme de souplesse ! Le couple répond présent et les 100 km/h sont atteints avec une vigueur étonnante. Les 115 bourrins se donnent. La boite auto aligne les rapports sans broncher et les freins mordent suffisamment pour vous mettre en confiance. La direction est assez précise et le gabarit si raisonnable qu’on se prend très vite au jeu de la conduire comme une voiture moderne. Je m’attendais à une mécanique un peu aseptisée mais il n’en est rien. Le V6 a du caractère et fait parfaitement le job sous le capot d’une X-car. Pour ceux qui en voulaient plus, une déclinaison « high-output » de 135 chevaux était montée sur les versions sportives T-type.
L’Amérique des compromis mais l’Amérique quand même
En dépit d’un cahier des charges contraignant, la Buick Skylark 1982 conserve l’âme des berlines américaines classiques comme on les aime. Les Buick ont longtemps été réputées pour leur démesure et leur prestige (la preuve avec la Buick Electra de Christian); cette Skylark a peut être perdu le premier attribut mais détient toujours le second avec brio. Cet essai a également changé mon regard de manière positive sur ces X-cars, souvent sous estimées dans le petit monde de la voiture américaine ancienne. A l’image de mon ex-Chrysler Lebaron, cette berline encore accessible et pas née à la « bonne époque » a tendance à connaître de nombreux propriétaires avec chacun leur manière d’entretenir une voiture (ou de se prendre pour Chip Foose), rendant l’acquisition d’un beau modèle d’origine de plus en plus compliqué.
Buick addict
Andreas possède cette Skylark – sa première voiture américaine – depuis maintenant 2 ans. A l’achat, la voiture nécessite un peu de main d’oeuvre pour tourner parfaitement. Moteur et boite sont vidangés avec changement du joint de carter pour calmer les incontinences régulières. Les mâchoires de frein arrière sont changées et réglées pour améliorer l’efficacité du freinage tandis que le refroidissement est entièrement revu. La pompe à essence et le filtre à essence sont également remplacés pour faciliter les démarrages. La rouille est traitée par endroits et quelques détails cosmétiques sont corrigés ici et là. Par la suite, le propriétaire envisage une peinture moteur ainsi qu’une protection antirouille complète des soubassements. Aux côtés de sa Skylark stationne une Park Avenue ’91 (sur laquelle je reviendrais plus tard), son « daily car ». Vous l’aurez compris: Andreas est un Buick addict !
Merci à Andreas pour son invitation !
Retrouvez un récapitulatif vidéo de l’essai
En 1982, les Survivor et leur « Eye of the tiger », B.O. du film Rocky 3, inondent les stations de radio américaines.
McCloud
Un kitsch très acceptable, voire enthousiasmant au regard de certains modèles overstylés actuels. Et puis un intérieur bleu rehaussé de ronce de Vénilia massif, ça vaut tous les anthracites du moment et les « finitions portière », héritées des Dauphines, qui ont perduré, notamment chez Renault, juqu’à la fin des années 2000 !
Clofer
Bonjour,
Enfin un article pas méprisant pour cette petite Buick. J’ai depuis 3 ans un coupé bleu en bon état, V6, demi toit vinyl. Après quelques ennuis, durits, étrier AV, etc, ça va pas mal. Le ciel de toit est à refaire. Il a fallu retirer des mètres de scindex et installer un auto radio au look correct.
Le velours est de très bonne qualité. La conduite pas mal mais loin de ma Caprice 74, mais le V6 a un assez beau son.
A ++