Chrysler LeBaron 1980: première voiture et première américaine
A cette époque, j’ai 18 ans et pas le permis encore en poche (j’y travaille mais les auto-écoles ne sont pas pressées!). Cela ne m’empêche pas de consulter régulièrement les petites annonces à la recherche de ma première voiture. En grand raisonnable, j’aurai donc acheté la voiture après avoir décroché le fameux sésame. C’était sans compter sur une fameuse Chrysler en mal d’amour, à 80 kms de chez moi.
Mon objectif: trouver une berline américaine V8 1970/1980. Mais mon budget serré m’orientait plutôt vers des L6. Jusqu’à ce qu’en plein été 2008, je tombe sur cette Chrysler LeBaron de 1980, équipée du V8 318ci à carburateur 4 corps, à un prix dérisoire par rapport aux tendances marché. Au retour de vacances, la voiture était toujours disponible (un bon signe pour moi? Ou le signe qu’il y a anguille sous roche?). Après 80 kms effectués avec mon paternel, la voiture peine un peu à démarrer mais le ronronnement agréable du V8 nous décroche un léger sourire jubilatoire. La carrosserie est en bon état général (très peu de rouille) malgré un coup dans l’aile arrière gauche. Le toit vinyle nécessiterait une petite rénovation à terme. Et – bonne ou mauvaise panne? – la jauge de carburant ne répond plus. L’essentiel marche et bien… Enfin, tant qu’on a pas besoin de freiner. La voiture était déclarée roulante mais visiblement pas freinante… Heureusement, après une bonne purge du liquide de frein effectuée sur place, ça re-fonctionne assez pour rentrer à Paris. La voiture aura parcouru 200 kms dans un silence de fonctionnement et un confort royaux. De quoi me réjouir après cet achat quelque peu périlleux.
La LeBaron est réapparue sous l’étoile Chrysler en 1978. Midsize de la gamme, elle se situe juste en dessous de la Chrysler Newport dont elle emprunte le V8 de base. Ce sont ainsi deux motorisations qui sont disponibles: le 6 cylindres en ligne 225ci (3,7l) d’environ 110ch et le V8 318ci (5,2l) d’environ 140ch dans sa configuration à carburateur 4 corps. En 1980, le modèle subit un important restylage esthétique avec un avant et un arrière revus. Le look de plus en plus proche d’une Cadillac Seville (on sent l’inspiration) dénote un peu des autres Chrysler.
Comme la plupart des voitures américaines officiellement importées en France à l’époque, la LeBaron de cet article est en finition haut de gamme, ce qui se traduit ici par l’appellation « Medallion ». Direction assistée, climatisation, régulateur de vitesse, 4 vitres électriques et dégivrage arrière combleront les voyageurs. Le toit est recouvert de vinyle et deux lanternes éclairent avec allure les flancs arrières du pavillon, comme au temps des carrosses. Le chrome est utilisé à foison des bas de caisse aux montants de porte en passant par les porte à faux et passages de roues. Ça doit briller! Ne manquait que les jantes à rayons – disponibles en option – mais remplacées par de moins extravagants enjoliveurs. L’avant semble être un copier coller inversé de la Cadillac Seville sortie en 1975, à quelques détails près comme le bloc clignotant placé désormais au dessus du bloc phare. Sur le plan technique, la Chrysler devra néanmoins se contenter d’un « vulgaire » carburateur et d’une propulsion. Mais le prix catalogue n’est pas le même.
Dans l’habitacle – avec l’expérience acquise en la matière aujourd’hui – on se dit qu’il y a quand même de bonnes pertes d’espace. Contrairement aux prouesses de monospaces compacts actuels, la Chrysler est grande de l’extérieur mais plutôt petite de l’intérieur. Autant dire que le 3ème passager de la banquette avant (finition Saloon 6 places) ne sera vraiment pas à son aise. Niveau ambiance, c’est du 100% kitsch comme on aime. Des touches de faux chromes et faux bois donnent la touche luxueuse. De moelleuses banquettes à ressorts invitent au confort suprême. Et on retrouve une ergonomie toujours chère aux américains avec ce levier de vitesse au volant, ce frein de parking au pédalier et cette tirette feu de position-croisement-route et intensité de l’éclairage du tableau de bord. Comble du kitsch, de fausses poignées dignes d’un palace parisien surmontent la vraie poignée des accoudoirs de portes. Si, par erreur, vous vous en servez, vous risquez fort de la garder en main… Une vraie poignée factice en somme. Les vitres électriques marchent comme au premier jour malgré plus de 30 ans de service. Et la climatisation transforme l’habitacle en congélateur en moins de 2 minutes! L’autoradio – absent lors de l’achat – a été remplacé par un modèle du même format, monté sur les Chrysler Voyager 1996-2000.
Passons sur la position Drive, en manipulant agréablement le levier au volant. C’est sur autoroute-nationale, stabilisé à 100-110km/h, qu’on apprécie la qualité du confort. Les 8 cylindres sont quasi silencieux. Les suspensions molles à souhait aspirent toutes les irrégularités du sol. On se sent presque comme sur un tapis volant au ras du bitume. Les ressorts bien sentis sous les assises des banquettes ajoutent en moelleux. Mais – au moindre coup de folie – un brusque coup d’accélérateur, le kickdown s’enclenche et le moteur rugit tel un lion, vous rappelant qu’il y a tout de même 5200cm3 de cylindrée sous le capot. Pensés pour le cruising, ces V8 ont du couple à revendre à bas régime. Nul besoin de presser fortement l’accélérateur pour mouvoir les 1,6 tonnes de tôle. C’est surtout la sonorité jouissive de l’échappement qui pourrait pousser à se comporter en mauvais garçon. La tenue de route n’inspire cependant pas aux virages serrés à forte allure, surtout avec les vieux pneus dont elle est chaussée.
La Chrysler LeBaron sera clonée dés 1980 sous les marques Dodge et Plymouth (appartenant toutes deux au groupe Chrysler). La Plymouth Gran Fury sera ainsi la version d’entrée de gamme, la Dodge Diplomat, un intermédiaire tandis que la Chrysler LeBaron constituera le summum de la gamme. De nombreuses Plymouth et Dodge seront utilisées en tant que taxi ou véhicule de police. Certaines Diplomat de police auront même droit au bloc V8 360ci (5,9l) plus puissant. Alors que la production de la Chrysler LeBaron utilisant cette plateforme M s’arrête en 1981, celle de ses clones continue jusqu’en 1989. Les dernières versions auront même droit à l’airbag conducteur en option, avec un volant plus moderne adapté à l’équipement. Un sacré contraste avec la planche de bord seventies. En 1982, la Chrysler LeBaron est cependant réapparue mais basée sur la plateforme K de conception totalement différente (dimensions plus européennes, 4 cylindres en ligne et traction). En 1989, les dernières plateformes M encore commercialisées avaient alors tout d’OVNIS, symboles d’une autre époque.
Texte: Exapart / Photos: Exapart
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