La culture du 400 mètres (1/4 de mile)

La culture du 400 mètres (1/4 de mile)

Vu d’Europe, ça parait souvent absurde. Quel plaisir peut-on trouver à s’affronter sur une ligne droite ? Peut on vraiment appeler ça du « pilotage » ? Beaucoup n’y voient aucun intérêt. Et pourtant.

L’après guerre voit l’émergence d’une jeunesse américaine attirée par la vitesse mais financièrement limitée par sa faible pension militaire. Elle peut toutefois compter sur sa formation mécanique – très largement plébiscitée, de retour au pays – pour assembler sa propre brûleuse de gomme. Il faut dire qu’à l’époque, les constructeurs américains s’en donnent à cœur joie pour proposer des modèles toujours plus beaux, confortables et puissants… mais aussi plus lourds et encombrants. Des petits malins ont ainsi eu l’idée d’installer les moteurs performants de ces pachydermes dans des caisses compactes et légères (en général, des châssis des années 1930); pour un coup de pied au cul garanti à l’accélération ! Ainsi naît le mouvement « hot rod » d’après guerre. En très résumé.

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Un hot rod classique sur base de Ford ’32, dans le film American Graffiti.

Naturellement, le bonheur ne serait pas entier si sa création personnelle n’écrasait pas celle du voisin sur les boulevards. Les duels au feu rouge sont une excellente occasion de montrer qui a la plus grosse. C’est un défi d’ego à qui restera devant l’autre et à qui aura le mieux préparé sa voiture. Pour les plus piqués, il devient vital d’encadrer la pratique pour faire durer le plaisir. Il faut donc trouver une voie libre des plus banales et définir un point d’arrivée. Au sortir de la guerre, de nombreuses pistes de bases aériennes – désaffectées – et autres routes en construction deviennent le terrain de jeu idéal. La règle est simple : le premier arrivé a gagné.

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American Graffiti illustre bien cette jeunesse qui flâne et se lance des duels sur les boulevards.

La distance de 400 mètres (ou quart de mile) devient la norme car elle combine plusieurs avantages. La ligne d’arrivée est visible depuis le départ. Les voitures américaines de l’époque délivrent le plus gros de leur potentiel sur cette distance. Les 400 mètres assurent également un enchaînement plus rapide des courses. Après, c’est un peu plus linéaire et ennuyeux à regarder. En 1953, la National Hot Rod Association (NHRA) organise la première course officielle.

Le défi est technique et implique des préparations mécaniques de plus en plus poussées. On ne vient plus uniquement pour affronter un adversaire mais aussi pour améliorer son chrono et s’assurer que la modification de la veille a porté ses fruits. Le phénomène est tel qu’on trouve de plus en plus de pièces « perfo » sur le marché. Il était donc temps que les constructeurs auto proposent des solutions « clés en mains », lesdites « factory race cars » (voitures de course usine), au début des sixties.

Dans cette nouvelle gamme, on citera – parmi les plus marquantes – les Chevrolet Impala Z11 427 1963, Pontiac Catalina « Swiss Cheese » 1963, Dodge 330 Max Wedge 1963 et autres Ford Fairlane Thunderbolt 1964. Des autos dénuées d’équipements « superficiels » et usant d’alu et de fibre de verre pour gagner quelques kilos. Les ingénieurs se sont surpassés pour tirer encore plus de chevaux des big blocks qui les animent.

Dans la foulée, Pontiac introduira l’ère des muscle cars avec sa GTO. Des monstres de puissance moins radicaux qui conquerrons une plus large clientèle. Les options et accessoires performance se développent encore davantage en concessions. La puissance est plus que jamais un argument de vente !

On transmet le flambeau aux plus jeunes avec des comics orientés bagnoles et vitesse, l’arrivée de fabricants de voitures miniatures comme Hot Wheels ou le dessin animé Les fous du volant en 1968, pleine apogée du phénomène muscle car. Les Big Three (GM, Ford et Chrysler) proposent tous une gamme de petits coupés survitaminés, à la puissance sans cesse augmentée. Les couleurs sont vives et les éditions spéciales nombreuses pour taper dans l’œil des passants et se repérer entre potentiels concurrents au prochain feu. Face aux nombreux accidents – parfois mortels -, les assureurs et pouvoirs publics mettront un coup de frein à la vente des muscle cars, au début des années 1970. Les crises pétrolières qui suivent enterreront pour de bon les gros moteurs débridés.

Bien que la « grande époque » soit révolue, quelques mordus continuent à s’affronter sur des dragstrips. La pratique retrouve un second souffle dans les années 1980, en même temps que le retour fulgurant du mouvement hot rod, bien au delà des frontières américaines. Avec la revalorisation des vieux muscle cars ces 20 dernières années, s’affronter sur un dragstrip comme au bon vieux temps est plus que jamais d’actualité. Sans les assistances actuelles, on se rend d’autant plus compte de la difficulté à maintenir le cap avec des propulsions au couple camionnesque !

Les ZZ TOP utilisent un hot rod typiquement « eighties » comme porte-étendard.

Pratique populaire à l’origine – née dans la rue – la course d’accélération sur 400 mètres s’est vite professionnalisée. De nos jours, la NHRA – qui encadre la discipline en Amérique du Nord – reste la plus grande organisation de course automobile au monde. Cependant, l’américain moyen peut toujours s’offrir le frisson du 400 mètres pour une poignée de Dollars sur les nombreuses pistes de drag présentes dans le pays. Histoire de voir ce que son bijou a dans le ventre. Le drag reste ainsi à la portée du plus grand nombre, presque comme à l’origine. Ce dont peu d’autres sports automobiles peuvent encore se vanter.

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Un dragstrip comme il en reste en Amérique. La récente Dodge Demon a été conçue spécialement pour.

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Merci à Popeye pour sa contribution !

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