La saga des minivans Chrysler
Au début des années 1980, Chrysler triomphe avec ses K-cars, de petites berlines à moteur 4 cylindres créées pour concurrencer les modèles japonais. Un nouveau concept change la vie des familles la même décennie: le minivan.
A la fin des années 1970 et à la suite de deux crises pétrolières, les clients américains sont de plus en plus récalcitrants à l’achat d’un V8. Le succès des voitures japonaises économiques et fiables – bien que (souvent) laides – confirme cette évolution de la demande. Certains constructeurs américains ont tenté l’aventure du V8 diesel (et parfois aussi du moche…) mais les gros problèmes de fiabilité entachèrent rapidement l’image des moteurs à combustion. Lorsqu’il intègre Chrysler en 1980, Lee Iacocca est face à une entreprise au bord du gouffre. Lui redonner de l’élan implique de profonds changements.
C’est dans ce contexte tendu que la plateforme K voit le jour (nous y reviendrons dans un autre article). Dans cette nouvelle obsession du « faire mieux dans plus petit », on s’interroge sur l’idée d’un véhicule familial compacte (au sens américain du terme) mais aussi logeable et pratique qu’un van. Ce nouveau segment doit rendre les station wagons classiques complètement désuets.
Plymouth Voyager: le premier minivan du groupe
Il faudra attendre 1983 pour que Lee Iacocca dévoile enfin ce nouveau modèle. Présenté au salon de Detroit, il est baptisé « Plymouth Voyager ». Face à une foule de curieux, un show démontre l’habitabilité du minivan grâce aux différentes configurations intérieures possibles. En deux temps trois mouvements, le véhicule familial 7 places (de la place pour les enfants et les grands parents!) peut se transformer en camionnette à plancher entièrement plat à l’arrière, les 2ème et 3ème rangées de sièges s’enlevant facilement. La porte de coffre à hayon et l’unique porte coulissante sur la droite facilitent même le chargement.
Plus logeable qu’un wagon, il est aussi beaucoup moins encombrant et, par conséquent, plus léger ! Un point indispensable pour offrir des reprises convenables au Voyager, alors dépourvu de V6 ou de V8. En effet, le premier moteur disponible est un 4 cylindres de 2,2l fabriqué par Chrysler et offrant près de 90 chevaux. Un 2.6l optionnel d’origine Mitsubishi est proposé en option pour gagner 14 chevaux supplémentaires. Une boite auto à 3 rapports ou une boite manuelle à 4 rapports transmet la puissance aux roues avants.
Sur le plan esthétique, le nouveau venu reprend toutefois les codes du « bon vieux break des familles », histoire de ne pas trop dépayser l’américain moyen de 1984. Calandre et enjoliveur chromés, panneaux en bois, intérieur cosy couleur caramel… Du BCBG je vous dis! L’avant a de faux airs de pickup Chevy avec ces doubles optiques. Le catalogue d’options est aussi riche que celui d’une berline Chrysler. Le minivan sera vendu sous une seconde identité – Dodge Caravan – et sera même décliné en fourgonnette (Mini Ram Van).
Les américains sont séduits par l’innovation. Il se vendra près de 400.000 exemplaires (Plymouth Voyager et Dodge Caravan confondus) en 1984, la première année de commercialisation. C’est 100.000 de plus que l’objectif! Les bons chiffres se renouvelleront l’année suivante mais Chrysler ne se repose pas sur ses lauriers. Les autres constructeurs veulent aussi leur part du gâteau et les rumeurs de modèles concurrents vont bon train.
En 1987, la gamme minivan subit son premier lifting. La face avant est modernisée avec des phares en un bloc et une calandre plus discrète. Les pare-chocs chromés sont peints couleur carrosserie selon la finition. Les « Grand Voyager » et « Grand Caravan » – des versions au coffre rallongé – sont ajoutés au catalogue. Un nouveau V6 3,0l (d’origine Mitsubishi toujours) de 150 chevaux complète la gamme et permet enfin de rouler avec un couple relativement confortable tandis que le 2.2l disparaît. Une déclinaison haut de gamme verra le jour chez Chrysler sous l’appellation « Town & Country » en 1990. Cette même année, un V6 3.3l fabriqué par Chrysler est proposé en plus du 3.0l.
A la conquête de l’Europe
Il faudra attendre l’année 1989 pour que le Voyager soit distribué en France par Sonauto, sous la marque Chrysler (appellation identique au Mexique). Le concept n’est pas nouveau dans l’hexagone. Le Renault Espace y fait un tabac depuis 1985 mais le minivan américain a pour lui son exotisme et sa pléthore d’équipements à un tarif concurrentiel. Ne lui manque qu’un diesel pour perdurer sur ce marché.
La 2ème génération sort en 1991 (année modèle 1992), quelques mois après le lancement du très futuriste Pontiac Trans Sport, le premier minivan de chez GM. L’avant et l’arrière sont redessinés tandis que la ligne de camionnette demeure globalement inchangée. La planche de bord est entièrement revue et le volant intègre désormais un airbag de série (sérieux avantage sur la concurrence). Les deux grands arguments de l’époque étaient d’ailleurs fièrement affichés sur la lunette arrière: « Double airbag et climatisation en série » (après l’introduction du double airbag en 1994).
Côté motorisations, le monospace est « enfin » proposé en diesel en Europe, mû par un 2.5l d’origine italienne (VM Motori) et affichant 118 chevaux grâce à un turbo. Le Renault Espace n’aura qu’à bien se tenir. Les moteurs essence n’évoluent pas jusqu’à la mise à jour de 1994. Cette année là, un V6 3.8l fabriqué par Chrysler est proposé en plus du 3.0l et du 3.3l. Il affiche 162 chevaux et peut être associé à une transmission intégrale (AWD) pour ceux qui sortent souvent des sentiers battus. Le tableau de bord prend également un coup de jeune avec l’introduction de l’airbag passager.
Voyager 3ème génération: le vrai tournant
Le vrai tournant aura lieu avec le lancement de la 3ème génération de Voyager en 1996. Le dessin est plus fluide, plus aérodynamique. Le look camionnette s’estompe (au plus grand regret des amoureux de vans) et la face avant devient plus agressive. Preuve en est qu’on peut être père de famille sans renoncer au sex appeal, le très chic Chrysler Town & Country a plus des airs de navette VIP que de bétaillère à mômes. Ford s’en inspirera fortement pour son Windstar. A bord, l’impression d’espace s’accentue nettement grâce à un réaménagement efficace et à une plus grande surface vitrée. En terme de rangements et d’habitabilité, on reste toutefois loin d’un Renault Espace. Les banquettes sont lourdes et peu maniables. Les vide poches et autres coffres ne sont pas légion, surtout sur les modèles d’entrée de gamme. Toujours est-il que l’équipement est plus complet pour le même prix qu’un Espace et que ses gènes Yankee lui confèrent une petite touche d’exotisme attractive.
Plus grand mais aussi plus lourd, ce nouveau Voyager doit être dignement motorisé. Le vieux 2.5l laisse donc sa place à un tout nouveau 2.4l de 150 chevaux. Le V6 3.0l disparait aussi (sauf au Canada), laissant la part belle au 3.3l et au 3.8l de 180ch (dès 1998), désormais seul associé à la transmission intégrale. Un anecdotique 2.0l 16v de 130 chevaux – emprunté à la Dodge Neon – aurait également été proposé les deux premières années de commercialisation. En Europe, le diesel italien est toujours proposé dans une configuration quasi identique. Les V6 sont uniquement associés à une boite automatique à 4 rapports tandis que le 2,5 turbo diesel n’est disponible qu’en boite manuelle et le 2,4l essence dans les deux configurations.
En 2001, Chrysler présente le Voyager IV. Pas de changement radical si ce n’est une allure encore plus premium que son prédécesseur, à l’intérieur comme à l’extérieur (immense logo ailé Chrysler à l’avant et à l’arrière, portières arrières et hayon de coffre électriques). En effet, alors que le Dodge Caravan américain servait de base à l’ancien Voyager, c’est désormais sur la déclinaison la plus luxueuse (Town & Country) que repose le nouveau Voyager. Mais son design toujours plus européen continue de décevoir certains. Les Dodge Caravan gardent leur calandre « coupe-frites », plus sobre. La marque Plymouth disparaît cette année 2001. Les cylindrées n’évoluent pas mais la puissance est en hausse pour les V6. Le 3,3l passe ainsi à 180 ch et le 3,8l à 200 ch. Le diesel cède à la mode de la rampe commune (Common Rail) et gagne au passage 25 ch pour un total de 140, toujours en boite manuelle. De quoi remettre le Voyager dans la compétition des monospaces diesel.
Un second souffle est donné au minivan en 2005 avec l’introduction du système « Stow’n go ». Les deux rangées de sièges arrières peuvent désormais se glisser dans le plancher pour obtenir un sol parfaitement plat ou passer de minibus à camionnette (4450 litres de volume de chargement) en 30 secondes! Plus besoin de se casser le dos en sortant les sièges un à un! Plus besoin de les stocker dans le garage de tonton Bob! En Europe, une boite auto à 5 rapports est enfin proposée avec le nouveau diesel 2.8l CRD. Ce dernier développe 165 ch. Malgré des progrès notables, difficile de rivaliser avec la souplesse et le confort d’un V6 essence (silence quasi absolu). Le diesel est juste une nécessité pour percer en Europe, et notamment en France. Le 2.5 CRD est toujours disponible avec sa boite manuelle.
La fin de l’ère du monospace
Les ventes de monospaces s’essoufflent d’années en années. La mode est aux SUVs (Sport Utility Vehicle), ces 4×4 qui n’ont de 4×4 que leur légère surélévation mais véhiculent le rêve de l’aventurier qui sommeille en vous. Pour la plupart des acheteurs, l’ascension d’un haut trottoir demeurera la plus grande épopée mais qu’importe. Le nouveau Dodge Journey répond parfaitement à cette demande dès 2008. La gamme est ainsi repensée et c’est ce modèle qui remplacera le Dodge Caravan standard tandis que la version longue (Grand Caravan) est conservée et entièrement revue.
La surprise vient de sa nouvelle silhouette plus carrée qui lui donne de faux airs de camionnette. Une allure dont la marque cherche à s’éloigner depuis la troisième génération de 1996. Avec la refonte du catalogue, il semblerait que le Grand Caravan mise tout sur son statut de van à tout faire. Véhicule familial 7 places, navette VIP (Chrysler Town&Country) ou utilitaire (une fois les sièges cachés), il joue davantage sur le terrain d’un Mercedes Vito que celui d’un Renault Espace IV. Des feux à la calandre, on oublie tout arrondi dans le style, à l’opposé des dernières générations. Le constat est globalement le même à l’intérieur. Le nouveau Voyager est un bon gros Lego, à l’image des plastiques durs qui donnent un aspect un peu toc à l’ensemble (même constat à bord des Dodge Caliber et Journey). Un peu contradictoire dans le cadre d’une montée en gamme. Le levier de vitesse quitte la colonne de direction pour être incorporé directement dans la planche de bord, telle une commande d’accélérateur de yacht. L’écran tactile est désormais au centre de l’attention, au sommet de la console centrale.
Volkswagen Routan ou la collaboration inattendue
Qui aurait crû que le géant mondial Volkswagen ait besoin de Chrysler? C’est pourtant le cas lorsque la marque allemande tente de percer le marché américain du minivan taille locale. Les coûts de développement d’un nouveau modèle restent conséquents et pas forcément rentables pour une diffusion limitée à l’Amérique du Nord. La solution est donc toute trouvée : rebadger des Dodge Caravan en Volkswagen Routan en y ajoutant quelques retouches esthétiques.
Les plus gros moteurs sous le capot d’un minivan
Le dernier Voyager ne se déplace qu’en grosses cylindrées. V6 3,3l, 3,8l et 4,0l (!) essence – offrant de 175 à 251 chevaux – sont proposés à la clientèle. Pour l’Europe, un 4 cylindres 2,8l diesel de 161 chevaux est disponible. Dès 2011, seul un moteur essence perdure et pas des moindres puisque le nouveau V6 3,6l Pentastar développe 283 chevaux ! Cette évolution en fait le minivan de série le plus puissant du marché, et ce, dès l’entrée de gamme ! Cette même année, le duo Dodge Caravan / Chrysler Town & Country subit un léger restylage extérieur. L’intérieur – lui – est entièrement revu et la finition, en nette hausse.
Suite au rachat de Chrysler par Fiat, le Grand Voyager est vendu en Europe sous la marque Lancia (excepté au Royaume-Uni et en Irlande). De quoi faire hurler les amoureux de la marque ! D’autant que la marque Lancia n’excite plus grand monde depuis bien longtemps…
La prochaine génération est attendue pour 2016 (année modèle 2017) sous l’unique déclinaison haut de gamme Chrysler Town & Country. Le dernier du nom?
Photos: Chrysler-Lancia
Minivan BUZZ
Bonjour superbe article mais il y a quelques erreurs encore 😉
En 84 il y a avit 2 motorisations de proposées le 2.2L cité dans l’article, mais il était bel est bien Mopar et non Mitsubishi. C’est le seonc moteur, le 2.6L qui lui était de chez Mitsubishi 😉
donc 2 motorisations:
2.2L mopar
2.6L Mistsu 😉
ensuite le second Voyager en 2.5TD a 118cv et non 115. c’est la troisième série qui est passée à 115cv 😉
Chuck Jordan
Merci pour tes retours. Corrections faites 😉